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Soirées japonaises


Donc les petits bars un peu crasseux, ça existe aussi à Nagasaki. Ici pas de chichi, la serveuse, ancienne groupie d'un groupe de rock underground, semble un peu surprise de nous voir débarquer dans ce bar d'habitués. Mais les visages portent vite un sourire lorsqu'on demande à boire du saké ! Le verre, rempli un peu plus qu'à ras-bord, est déposé dans le petit socle carré en bois, qui assure qu'aucune goutte ne sera perdue.

Les habitués sont curieux, mais ne parlent pas anglais, le saké aide, on parle avec les mains. « Oishii » pour le saké, tout le monde est d'accord.

Petit à petit j'ose quelques mots de japonais sous le regard amusé de Charlotte, Anne-Tiphaine et Julien.

Entre un groupe de 5 d'étudiants qui semble bien connaître le lieu, mon japonais trouve ses limites après quelques minutes, Julien tente l'anglais et bingo ! Hop une tournée pour tout le monde, Charlotte et Anne-Tiphaine rejoignent la petite troupe et sont décidées à obtenir une bonne adresse pour des Onigiri et une pour poursuivre la soirée.

Les étudiants nous invitent à les suivre, et c'est raté le restaurant d'Onigiri est fermé (désolé, impossible de se souvenir du nom...).


Pas grave on se rabat sur un restaurant de quartier que notre nouveau groupe d'amis affectionne (désolé impossible de se souvenir du nom...).

Nous nous laissons guider, nos jeunes amis gèrent les commandes, tout d'un coup une étudiante jusque là très souriante, lance un regard terrible à son ami.

« Ah oui, ils sont européens, on va éviter les sushis de baleine ! » s'exclame le jeune japonais enthousiaste. Charlotte, amie des cétacés, opine vigoureusement du chef.

« Bon alors goûtez ça ! », nous nous régalons, « Umééé » s'exclame les garçons, la jeune fille est ravie, « moi aussi j'adore le sushi de cheval ! ». Charlotte repose délicatement ses baguettes.

Whisky ball, saké, edamame, aubergines marinées... tout est très bon !

Alors nous chantons ! En anglais, les Beatles sont une valeur sure, puis en japonais, une chanson pour boire (aussi une valeur sure), « Yopparai! ». Nous essayons de suivre sur le refrain, provoquant les éclats de rire.

Quand sommes-nous partis, comment nous sommes-nous quittés ? Peu importe, cette soirée entre dans le club privé de celles auxquelles il suffit de repenser pour sourire seul dans le train (ça fonctionne pour divers moyens de transport aussi, mais là je suis dans le train).

Mais notre périple dans le nord de Kyushuu se poursuit. Quelques jours plus tard, tous les quatre, dans notre petit Nissan March et sur les routes sinueuses, avons hâte d'arriver chez notre futur hôte, au sud des cascades de Taketa. La nuit tombe, la pluie aussi, un petit chemin de terre sur notre droite, les alentours semblent correspondre à la description, nous y sommes.

Taiji, un japonais trentenaire et bonhomme nous accueille avec un grand sourire, et en français s'l vous plaît. A peine entrés, la lassitude du trajet en voiture s'efface devant la majesté de la maison. Tout en bois, dans le pur style japonais. Nous nous déchaussons, tandis que Taiji fait coulisser une shōji (porte japonaise constituée de papier de riz) pour nous montrer la pièce où il a installé nos futon ! Fuwa fuwa !

Nous lui offrons des douceurs françaises et l'invitons à partager notre repas acheté au supermarché, composé d'edamames, de sashimis, de takoyakis, et de gyozas.

Taiji insiste pour s'occuper de la cuisson de ces derniers. Il est en fait chef et a son restaurant dans le village. Il fait de la cuisine fusion française et japonaise. Les gyozas grillent doucement dans la poêle, il la couvre, les raviolis seront parfaits, croustillants sur une face et moelleux de l'autre !

Il débouche un Bordeaux blanc pour accompagner les sushis. Nous sommes très gênés, bouchonné, il est affreux, nous n'osons rien dire touché par le fait qu'il ouvre pour nous une bouteille qu'il conservait pour une occasion.

Heureusement, il sent le malaise, goûte le vin... Et retourne à la cuisine avec la bouteille. Ouf.

Heureusement, Julien, prévoyant, en vue des futurs apéros au long de notre voyage, a insisté pour que nous achetions un magnum de saké ( qui n'a en fait plus que quelques heures à vivre), il va donc le chercher à la voiture.

Taiji nous raconte son expérience en France, notamment à Toulouse où il a travaillé 3 ans chez un grand chef à Toulouse.

Son français peine à revenir, alors nous sautons au japonais, à l'anglais et bientôt nous sautons sur le dancefloor improvisé sur les tatamis.

Taiji est aussi fan de Britney Spears et des chorégraphies endiablées, pas question d'être en reste et nous nous appliquons à montrer nos plus beaux pas.

Soudain Taiji chute, qu'importe il intègre cela à sa chorégraphie, il tourne sur son dos telle une tortue qui accepte son sort dans la joie, nous l'aidons à se relever dans un bond de gazelle, il en faut de peu pour que le dancefloor s'embrase sous nos pas endiablés.

Mais Taiji est avant tout un chef, et au matin, alors que nous peinons à ouvrir nos yeux, il nous émerveille en ouvrant les shōjis d'une petite pièce : la table basse est parfaitement dressée, un petit déjeuner japonais traditionnel et notamment une délicieuse soupe miso aux clams.

Déjà au comble du bien-être après cette soirée de folies et ce réveil magique, nous passons un cap supplémentaire en mettant un pied dehors. En arrivant la veille au soir, nous n'avions rien vu, mais maintenant le jour s'est levé et les nuages se sont dissipés. Un sourire d'enfant se plaque sur nos visages, lorsque nous découvrons l'extérieur de la maison, c'est le Japon bucolique de nos rêves, le onsen d'extérieur offre une vue sur la rivière qui coule en contre-bas, les arbres et les collines nous entourent, l'eau scintille, les oiseaux chantent, je veux vivre ici.

Derrière la maison, le papa de Taiji revient de la colline, avec sa petite camionnette, il installe sa nouvelle récolte de shiitakés dans le séchoir, d'un geste il indique la colline où poussent les précieux champignons (dont raffole Anne-Tiphaine). J'aime la cueillette des champignons. Je veux vivre ici.

Taiji rejoindra dans l'après-midi des amis pour un Hanami... Je veux vivre ici.

Mais notre voyage doit se poursuivre, et je traîne un peu les pieds en quittant notre nouvel ami et son coin de paradis.


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