Matin sushi
Nous sommes ici en juillet 2015, lors de notre voyage de Noces et non pendant notre trip de six mois en Asie en 2017.
Cela n'avait pourtant pas forcément très bien commencé : déjà lever à 3h du matin. Nous nous rendons en effet au marché de Tsukiji pour assister à la vente à la criée du thon, et il faut arriver tôt. Nous sommes sur place à 3h45 : c'est trop tard. Non ce n'est pas fermé aux touristes, mais il y a déjà des groupes qui ont réservé et les places sont limitées, nous dit-on.
Quoi faire à 4h du mat' dans ce marché encore désert. Bon on se souvient d'un restaurant, conseillé sur un blog ou un guide, qui devrait être dans le coin. Nous décidons de repérer le lieu, et tombons sur une file de personnes qui suit un angle de rue.
Non des gens ne font tout de même pas la queue pour manger des sushis à 4 heure du matin!!
Si. Déjà une heure pour attendre l'ouverture. Bruno a faim, Bruno râle : "Nous voilà bien des touristes, à attendre là comme si c'était le seul endroit pour manger des sushis au Japon... "
Nous voyons la petite salle se remplir de clients, puis se vider, et rebelote... Bon les gens semblent plutôt heureux en sortant. Après une heure d'attente supplémentaire, enfin à nous! ....Et non.
Nous sommes stoppés devant la porte. Attendre à nouveau. Ouf, cette fois on rentre. La pièce est exiguë, nous sommes tous assis comme au bar, à la différence que derrière des vitres en verre nous pouvons contempler les produits frais. L'attente est presque déjà oubliée, les chefs qui font et nous servent les sushis sont très chaleureux, et prennent le temps d'échanger quelques mots avec nous, malgré la barrière de la langue. Tout est préparé sous nos yeux et posé directement devant nous à même le comptoir en bois. Il y a de la sauce soja mais le cuisinier nous explique que les sushis sont prêts à être dégustés tels quels.
Nous faisons confiance. Tellement, que nous optons pour le menu du chef, il choisit les meilleurs poissons du jour à nous servir et à la fin nous avons le droit de redemander notre sushi préféré.
Et la valse des sushis commence, le maître laisse la paume de sa main donner la forme et la densité parfaite au riz, d'un doigt il dépose une fine traînée de wasabi, puis un coup de pinceau pour assaisonner de sauce soja la tranche de poisson. Elle vient se poser sur son doux rocher blanc. Daurades, rougets, poulpes... Et des crevettes minuscules crues et décortiquées. Tamago sushi (sushi à l'omelette), pour ralentir un peu. Et oursins, et un poisson dont le nom m'échappe, puis la star et ses différents morceaux aux textures et saveurs distinctes, thon maigre, thon "normal", thon gras qui fond dans la bouche. Ho! Hoo. Uni, l'oursin.
C'est fin, c'est bon, c'est bon, très très bon.
Nous qui pensions avoir vécu le plus beau moment de notre vie il y a quelques jours en fêtant notre mariage... Quel petit déjeuner!
Nous nous regardons, tout sourire, nous ne regrettons pas de nous être levés à 3h du matin, nous sommes heureux, nos papilles sont en joies, vivantes et ivres, gavées de plaisir, béates et ravies comme des amants après une nuit d'amour... NON!
Le Grand Maître Sushi nous rappelle à nos responsabilités. Il faut choisir. Nous venons à peine de les rencontrer, de les adorer, et il faut choisir, mais choisir c'est éliminer, c'est renoncer.
C'est un moment terrible, qui vous marque pour une vie, et peut-être un peu plus, l'heure du dernier sushi, lequel allez-vous invoquer à nouveau, tel un nécromancien cruel, il nous invite à faire ressusciter un proche, mais un seul seulement. Nous luttons, nos esprits se débattent.
Otoro (partie grasse du ventre du thon) pour Bruno.
Uni (oursin) pour Anne-Tiphaine, et un peu pour Bruno aussi qui aidera son épouse qui a le ventre qui explose.
Nous pouvons rentrer en France.
Oui, c'était pas mal.
ps : pas de saumon? Et non ce n'est pas un poisson traditionnel pour les sushis!
ps2 : et vous qui auriez-vous ressuscité?
ps3 : nous étions là!